INTERVIEW: Fo’o Sokoundjou Chedjou II Jean Philippe Rameau, Chef Bamendjou.
On observe une multiplication des ouvrages de restauration, d’agrandissement où de reconstruction des musées au sein des chefferies à l’Ouest. Qu’est-ce qui justifie cet engouement ?
Le but principal est de faire connaître notre culture aux générations présentes et futures. Nos enfants et de nombreux touristes ne savent pas que plusieurs générations de nos aïeux ont vécu dans la forêt. Qu’ils ont fait des guerres pour avoir, et pour préserver leurs territoires, qu’ils chassaient les animaux sauvages pour leur viande et pour la sécurité. Il fallait réduire les espèces de lions, de panthères, bref toutes les espèces d’animaux sauvages, pour qu’ils ne se multiplient pas à l’excès et viennent décimer des villages entiers. Les queues de cheval, et les peaux de ces animaux illustrent la bravoure de ces guerriers qui n’avaient souvent que la force de leurs bras et quelques armes peu sophistiquées pour se défendre. L’histoire et la richesse de nos communautés orales se retrouvent dans ces musées. Il y a des chaises ancestrales inutilisables où certains initiés doivent s’asseoir, pour y puiser une part de leurs pouvoirs.
Peut-on les vendre ?
Les vendre, c’est vendre ces pouvoirs qui pourtant représentent l’âme protectrice de ces villages. D’autres objets ont symbolisé des alliances, des pactes, etc. Les commercialiser ou ne serait-ce que les déplacer de la chefferie c’est briser tous leurs contenus. Les musées de conservation du patrimoine culturel de ces communautés, regorgent des objets qui ont une histoire, une épopée, un contenu mythique réel. Ils ne sont utilisés qu’à des moments bien précis sur le plan traditionnel. Le chef lui-même en sa qualité de gardien des traditions, n’a pas la liberté d’en user à sa guise. Les guides peuvent vous présenter de nombreux objets et vous expliquer à quoi ils servaient. Mais les initiés connaissent la valeur de plusieurs de ces objets qui par un tour de magie ont sauvé des vies, ont préservé tout un peuple de la déchéance. Le côté du développement c’est qu’avec l’apport des touristes, ces musées font des rentrées financières dans la communauté.
Ces musées situés dans les chefferies traditionnelles pourront-ils survivre à la modernité?
Je pense qu’en plus de contribuer à la revalorisation de nos us et coutumes, les musées vont s’imposer comme un puissant moteur de développement pour le village. Les objets traditionnels exposés dans ces musées ne sont pas vendables. Il y a par exemple, certains objets qu’on ne sort que lors des évènements spéciaux parce qu’ils contribuent à purifier, à bénir et à protéger la communauté. Les vendre c’est vendre tout ce peuple. Mais les artisans peuvent façonner des photocopies simples ou imaginer des designs variables tout autour qu’ils vont proposer et commercialiser dans des galeries. Devant les musées, pour accueillir le flux des visiteurs, il faudra multiplier et diversifier les business.