Lorsqu’on est submergé par les critiques négatives, on aime bien arguer avec panache que finalement, on n’en a rien à faire de l’opinion des autres. C’est vrai quoi ! Si l’on devait toujours agir par rapport à ce que dicte le regard d’autrui, on ne ferait rien de bon. Peut-être même ne ferions-nous rien tout court. Juges, conseillers, donneurs de leçons et amis « de-quoi-je-memêle », finissent à force, par devenir au départ des boulets.
Avant de traverser la frontière qui les fait passer sous la bannière des jaloux, aigris, « haters » dont les avis négatifs masquent en fait des envieux qui sommeillent. Alors se faire une carapace sur laquelle glissent toutes formes de quolibets, c’est utile. Mais aussi totalement surfait. Car dans le fond, l’opinion des autres, personne ne s’en soustrait jamais totalement. Sauf à vivre en ermitage absolu, l’Homme en société évolue et agit avec une motivation sous-jacente de reconnaissance sociale.
On dit ne prêter aucune attention quand pleuvent les admonestations, mais en revanche, on ne crache jamais sur les éloges ou la compagnie des flatteurs qui vous passent la brosse à reluire. Et même si beaucoup ne le reconnaîtront jamais, de nombreux actes et attitudes sont dictés ou corrigés par ces opinions défavorables qu’on prétend ignorer. Parce que comme le dit l’adage, « bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée ». Etre le vilain petit canard de sa famille, le chef honni de tous ses collaborateurs, voir son nom étalé dans les gazettes pour incompétence et choix douteux, ou sur les réseaux sociaux pour ses moeurs légères, n’est agréable pour personne. Alors passé le reflexe du bouclier je-m’enfoutiste, on se justifie en petit comité, tente de légitimer l’acte contesté.
Et puis, en fonction de la force des pressions de ces commentaires extérieurs, on opère un virage, quand ce n’est pas carrément le rétropédalage complet. Dans les actualités médiatiques de ces dernières années, de nombreux cas ici et ailleurs illustrent le phénomène. Qu’il s’agisse de politiques, d’administrations, d’entreprises, ou de « people », l’influence des vents contraires de l’opinion a entraîné quelques volte-face spectaculaires. « Vox populi, vox dei » ? Sans doute plus qu’on ne veut l’admettre. Mais qu’en est-il dans la sphère privée et intime ?
Que personnes et structures publiques cèdent à une pression du grand public dont ils tirent essence, légitimité voire existence, tombe sous le sens. Les aspects plus personnels devraient en revanche y résister. Pourtant, combien de fois avons-nous renoncé à porter un vêtement parce que amis ou collègues se sont moqués de la coupe villageoise et des couleurs touchy ? Ou commencé à regarder son dessin animé préféré en cachette pour échapper aux moqueries de ceux qui trouvent que « ça fait trop bébé » ? Mais là où c’est le plus pesant, c’est bien sûr dans nos relations amoureuses.
Le coeur ne choisit pas, alors les amours « déraisonnables » existent. Certains sont jugés si durement que l’un des protagonistes craque et préfère renoncer au choix du coeur, plutôt que braver l’opinion. A tort ou à raison ? Ce sera le fil conducteur de ce numéro du mois d’octobre. Où nous parleront décapage, phénomène tantôt renforcé, tantôt combattu par le poids des opinions. Ou encore de l’amour à l’épreuve d’un grand écart d’âge, dans notre grand dossier. Bonne dégustation !