Certains mettront cela sur le dos de la mondialisation. D’autres, plus « roots », sur celui de l’acculturation. Cette incroyable capacité des Camerounais, à la façon d’une éponge, à absorber puis reproduire traditions et schèmes de vie ramenés d’ailleurs. Allez savoir pourquoi, mais de Noël à la Saint-valentin en passant par la fête de la musique, nombre de concepts culturellement importés, ont trouvé chez nous un terreau si fertile, que les grandes marques de la société de consommation ne s’y sont pas trompé en « misant » régulièrement sur ces « évènements » pour greffer leurs campagnes de marketing.
Ainsi en est-il du « poisson d’avril », autre tradition d’inspiration occidentale, devenue un incontournable des moeurs citadines locales. Certes, peut-être faute d’essor des magasins de farces et attrapes, le concept s’est popularisé chez nous sans s’accompagner d’une forte dimension commerciale. la pratique n’en n’est pas moins adoptée. Et bien enracinée. Chaque 1eravril, et sans que le carême y soit pour quoi que ce soit, on se met au « poisson ». En couple, au sein des familles, au boulot ou entre amis, c’est à qui trouvera le « gentil mensonge » le plus original, mais surtout le plus crédible, pour ensuite se payer une belle tranche de rire sur la tête du proche tombé dans le panneau.
les médias ont d’ailleurs suivi le mouvement, et prennent un malin plaisir à s’adonner au rituel du scoop bidon qui, passé l’effet « ascenseur émotionnel », arrache aux lecteurs un sourire amusé. la philosophie de la chose n’est évidemment pas à blâmer. Tant qu’il n’y a pas de blague de mauvais goût, l’affaire reste sympathique, avec un esprit bon enfant très communicatif. A ceci près que la particularité d’une journée du « mensonge légalisé », repose sur le postulat que les autres jours, c’est la vérité qui règne en patron des céans.
Et à cet aune, l’effet « poisson d’avril » chez les Kmers pourrait avoir la même pertinence que la séance de coiffure d’un chauve. véritables « tchatcheurs » dans l’âme, les Camerounais ont développé un art consommé pour prendre certaines libertés avec la vérité. le dragueur baratineur qui veut épater l’objet de sa convoitise, la jeune fille complexée qui veut montrer à ses copines « bôbôs » qu’elle aussi a l’étiquette, le timide qui se réinvente une vie pour mousser et faciliter son intégration, l’enfant adepte de sorties qui veut minorer l’éventuel courroux de ses parents, le travailleur qui fait son intéressant pour paraître « façon » devant ses collègues (et au passage complaire au patron), le mari tricheur ou le désargenté taxeur, ça ment à tout va.
Au point même d’en devenir réflexe chez certains, qui « modélisent » gratuitement. Juste pour la beauté du geste. vous l’aurez compris, cette tendance à la flexibilité des faits généralisée sera au centre de notre dossier du mois. Et si ce numéro de Nyanga a choisi de surfer sur l’air de temps avec une incursion au ton caustique dans l’univers du faux-semblant, ne vous inquiétez pas ! l’essentiel de nos invités, des membres du X-Maleya, au journaliste Martin Camus Mimb en passant par le truculent « Hit master », eux ont bien choisi de nous dire leurs quatre vérités. Et même si vous parcourez ce numéro de votre magazine un 1er avril, vous pouvez nous croire sur parole.