De l’équipe anonyme d’un petit village de Tokombéré, à l’équipe nationale A espoir, le parcours de Philippe Mataba est un exemple d’abnégation. La discrétion de cet attaquant prolifique dans tous les clubs dans lesquels il est passé, au Cameroun, au Gabon, ou actuellement en Guinée Equatoriale, ne l’empêche pas de nourrir de grosses ambitions. Jouer un jour à l’Olympique de Marseille, son club de coeur, et pourquoi pas au sein des Lions indomptables. Sur le chemin de ses rêves, entre succès et péripéties, il a profité du break imposé par la Covid 19 pour se raconter. Balle au centre…
Grand de taille, mince, noir, l’allure du sportif ne fait pas de doute. A 24 ans, il se démarque dans son milieu. Il est cet élément dont l’équipe a besoin pour atteindre son objectif. Son père l’avait peut-être prédit en l’appelant Mataba, qui signifie « se distinguer » en Zoulgo, sa langue maternelle. Lors de notre rencontre, c’est un Philippe plutôt calme, l’air timide, et qui parle à voix basse. Pourtant sur le terrain, il s’exprime à fond.
Le football, une passion d’enfance
Depuis tout petit, Philippe Mataba nourrissait déjà l’envie de faire carrière dans le football. Mais pour son père, il n’en était pas question, il se devait de faire les études : « Quand mon père rentrait du travail, il me donnait toujours le travail à l’heure où il savait que je devais aller jouer » se souvient-il.
Mais avec la complicité de sa mère, il poursuivait ses séances foot. Il réussit à intégrer le club de son village Tokombéré, Fc Orem. Lors d’un championnat, parmi les spectateurs, il y avait des entraineurs de football. Au sortir d’un match, le jeune talent est tout de suite déniché : « Il y a un entraineur qui a demandé mon contact. Il m’a appelé à Sahel Maroua ». Une décision qui va affecter son père : « C’était dur pour mon père d’accepter que j’aille loin de lui, en plus pas pour fréquenter mais jouer au ballon ! Pour lui, jouer au ballon était sa vie », affirme- t-il.
Cap sur Yaoundé
De Tokombéré, en passant par Maroua, Philippe se retrouve à la capitale. Le coach qui l’avait déniché, l’a également fait appeler à Yaoundé : « Le coach avait gardé mon contact, et il m’a permis de venir à Yaoundé poursuivre mon rêve. Sauf qu’à mon arrivée, il a perdu son épouse et il est rentré. C’était difficile pour moi de continuer, mais j’ai fini par intégrer un centre de formation », relate l’attaquant, un brin anxieux. Il intègre donc Dauphin Fc, un club de troisième division. Là-bas, il confirme une fois de plus son potentiel en sortant meilleur buteur du championnat. Sans faire de test, il est détecté et amené directement dans un club de première division.
Cosmos de Bafia s’empare de Mataba : « le coach de Cosmos de Bafia a vu mon CV, mon palmarès, sans faire de test il m’a appelé directement. Là-bas, j’ai rencontré des joueurs expérimentés, cela m’a permis d’apprendre de nouvelles techniques ». Avec Cosmos de Bafia, il décroche le titre de vice champion du Cameroun derrière Coton Sport de Garoua, et meilleur buteur de l’équipe, en 2015. A Ongola, il va jouer dans plusieurs équipes. Dragon Fc, Aigle de Dschang, Yaoundé II, il est également convoqué en sélection nationale. Dans les Lions A’ Espoir, Junior, et les A locaux. Dans toutes ces équipes, il fait sensation. Son talent n’échappe pas à cet autre coach qui le déporte au Gabon.
Court séjour au Gabon
« Il m’a demandé est-ce que tu as un passeport ? Un manager ? Est-ce que tu peux travailler avec moi ? J’étais d’accord, et c’est comme cela que je me suis retrouvé au Gabon », raconte-t-il. 2016. L’aventure gabonaise n’a pas été longue. Un an, sept matchs joués avec Fc Lambaréné, sept victoires remportées. Malheureusement, les clauses de son séjour là-bas n’ont pas été clairement établies : « Le manager ne s’est pas entendu avec le président du club de ce moment-là, au niveau du salaire. Il a donc rompu son contrat au Gabon, et nous sommes revenus au Cameroun » explique-t-il. De retour au bercail, il ne chôme pas, et reprend les entraînements avec Dragon Fc. Les charges deviennent lourdes à supporter. Le fan de Marseille retourne alors dans sa terre natale et y passe six mois. Un talent ne chôme pas, dit-on. Philippe Mataba est de nouveau détecté via l’une de ses vidéos sur YouTube. Le coach Hel, se propose alors de l’amener en Guinée Equatoriale.
L’aventure équato-guinéenne
2019. L’arrivée de Philippe était très attendue dans le pays de Teodoro Obiang Nguema. Alors qu’il croyait jouer dans une équipe de première division, il s’est retrouvé en deuxième division. « J’étais déçu, j’ai demandé au coach, et il m’a fait comprendre que lui aussi était surpris. C’était une manigance du président du club », confie le fan de Dimitri Payet. Malgré tout, il s’est fait à cette idée. Objectif, hisser Fc Zoczomou le plus loin possible. Premier match 6-1, il signe un triplé. A la fin du championnat, ils sont premiers de la deuxième division. Une fois de plus, on l’appelle en renfort dans une autre équipe. Cette fois, il va jouer dans un club de première division. AD Mongomo. Il chemine là-bas jusqu’à la crise sanitaire mondiale. Covid 19. Depuis lors, tout a été stoppé et il est retourné au Cameroun jusqu’à ce jour. Il reste tout de même en alerte de l’appel de président du club pour continuer de prouver ce qu’il vaut en terre guinéenne, ou alors ailleurs.
« Rêve d’OM»
Du haut de 1,87, Philippe Mataba a une vie remplie. Père d’une petite fille de 3 ans, il la considère comme sa princesse, comme elle se fait appeler. Pour elle, il est prêt à tout, pour lui assurer un meilleur avenir. Orphelin de mère, il n’a plus que son père comme pilier. Son rêve, jouer à Marseille et décrocher des trophées. Subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Même s’il n’a pas encore complètement décollé, Philippe Mataba fait son nid petit à petit.