Il était une fois, une célébration païenne d’origine romaine qui, au détour d’une religion importée dans les valises de la colonisation, est devenue chez nous, le plus grand moment de réjouissances populaires de l’année. Et avec elle, tout le folklore et le décorum bien de chez eux, qu’on aura réussi à nous vendre en mode « forfait intégral ». Un « père Noël » barbu, ventripotent, vêtu d’une tunique rouge et arborant sa hotte de jouets. Un symbole végétal, le sapin, dont chaque maison doit être agrémenté avec quelques décorations (les plus fortunés y ajouteront des crèches miniatures ou des santons).
Et tant pis si, comme cet arbre n’est pas vraiment celui qui pousse le plus dans nos forêts, on recourt à des modèles en plastique synthétique. Les bûches, les chants, les « habits de noël », les soirées de réveillon, les foires et grandes surfaces bondées, les baptêmes et mariages qui se multiplient pour que les occasions de ripailler ne manquent, oui nous avons adopté le package de Noël dans son entièreté, sans ciller. Sans spécialement remarquer ou se préoccuper de ce que toute la machine à cash qui sous-tend ces belles joyeusetés, profite davantage comme par hasard- à tout sauf l’économie locale.
Car bien servi par un marketing redoutable, Noël c’est surtout le quart de mois de gloire pour les poupées Malibu Stacy préférées aux poupées noires en chiffon et tissu pagne fabriquées par nos artisans. Les voitures télécommandées et hélicoptères miniatures tellement plus fun que les autos taillés dans le rotin. Les multiples jeux de lumière fabriqués en Asie pour décorer les sapins vénus d’Amérique.
Sans compter les bonnes mignardises genre chocolats importés ou barbe-àpapa qui viennent sucrer le tout. Pour donner le change, on veille quand même à ne pas trop occulter le caractère religieux n’est-ce pas ? Du réveillon au jour sacré lui-même, les églises sont bondées comme jamais. S’il n’y a qu’une messe à laquelle assister dans l’année, ce sera celle de Noël. D’ailleurs, on a acheté des habits spéciaux pour ça, qu’on portera pour la première fois ce jourlà. Histoire que Dieu les bénisse en même temps que les agapes qui suivront, sans doute.
Evidemment, parce que c’est aussi une question de liberté, le droit de tout un chacun de célébrer ce qu’il veut de la manière qu’il veut, n’est pas ici remis en cause. Certaines familles kmer se plaisent même à fêter Halloween et Thanksgiving : c’est leur droit. On n’aura pu s’empêcher toutefois de remarquer deux choses. La totale désincarnation culturelle de ces célébrations, et le prix fort payé pour y sacrifier, souvent à coûts de dettes pour les foyers pauvres et même moyens.
Lorsque courant août, ou septembre des familles sollicitent les faveurs de leurs banquiers, tontines ou usuriers pour la rentrée scolaire, c’est pour un enjeu majeur : l’éducation et l’avenir de leurs enfants. Lorsque l’exercice est répété trois mois plus tard pour saluer la naissance du petit Jésus avec des poulets gras et du vin rosé, un arbre en plastique et quelques boules, c’est pour… ?
Chacun à sa réflexion sur le sujet, nous allons tenter d’aller plus loin dans la compréhension de cette frénésie des fins d’années, dans notre dossier du mois, le dernier de l’année. Le temps aussi de refeuilleter avec nos guests, quelques pages de personnes et évènements qui ont marqué cette année pas comme les autres. Histoire de terminer 2020 en séparant le bon grain…de l’ivresse !